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2 juin 2017 5 02 /06 /juin /2017 17:01
Les Etats-Unis se retirent de l'Accord de Paris sur le climat : est-ce vraiment une catastrophe ?

76 lectures02 juin 2017, 16 h 25

tour-TrumpLa tour Trump à Chicago (Illinois, Etats-Unis)
Crédit : Ahundt / Pixabay - Licence : CC0

Avec l'arrivée du président Trump à la tête des Etats-Unis, l'environnement ne devait plus être une priorité de l'administration américaine. Ceci vient de se vérifier puisque, en conformité avec sa promesse électorale, Donald Trump a choisi de retirer les Etats-Unis de l'accord de Paris qui fixe des règles non contraignantes pour éviter que l'augmentation de température planétaire dépasse les 2°C. Mais est-ce vraiment une décision catastrophique pour les générations futures ?

Les Etats-Unis avaient ratifié l'Accord de Paris sur le climat le 3 septembre 2016, sous l'administration Obama. Cet accord, salué par la classe dirigeante et les grands médias, est entré en vigueur le 4 novembre 2016, trente jours après sa ratification par au moins 55 parties représentant 55 % des émissions.

Cet accord fixe comme objectif de limiter l'augmentation de la température moyenne mondiale à 2° Celsius au maximum par rapport aux niveaux de l'époque pré-industrielle et, de préférence, à moins de 1,5° Celsius. Au-delà, il est établit que le climat de la Terre basculerait vers un nouvel équilibre intenable pour nos sociétés.

Au 1er juin 2017, 145 parties représentant plus de 82 % des émissions de gaz à effet de serre ont ratifié l'accord.

Pour satisfaire à cet objectif, les Etats-Unis voulaient réduire de 26 à 28% leurs émissions de CO2 d'ici à 2025 par rapport à 2005. Cependant, ils en ont finalement décidé autrement et devraient donc se retirer légalement du processus à partir du 4 novembre 2020.

Pourquoi il faut relativiser la sortie des Etats-Unis de l'Accord de Paris

Les "stars", les élus, une grande partie de la société civile et les grands médias ont des mots très durs face à la décision de Donald Trump. Ils n'hésitent pas à être injurieux et à annoncer la fin du monde pour les générations futures à cause de la seule décision américaine...
Pourtant, c'est notre civilisation consumériste et boulimique qui a engendré le réchauffement climatique, un bouleversement planétaire qui, maintenant, nous dépasse. Or, nos sociétés de consommation restent persuadés qu'avec de petits ajustements à la marge et de belles déclarations annuelles, elles pourront continuer leur business en limitant plus ou moins les dégâts. C'est ce même système, sans aucun avenir ni intérêt, qui s'insurge maintenant quand l'un de ses rouages ne veut plus jouer le jeu de l'hypocrisie.

Voici pourquoi nous relativisons fortement les conséquences du retrait des Etats-Unis de l'Accord de Paris.

Les Etats-Unis ne pèsent que 15 % des émissions

Selon les données 2015 du Global Carbon Atlas qui fait référence, 15 % (5 414 MtCo2) des émissions de CO2 proviennent des Etats-unis, contre 29 % (10 357 MtCo2) pour la Chine et 10 % pour l'Europe.

Certes, le retrait américain est symbolique, il s'agit (encore) de la première puissance économique mondiale (en terme de PIB), mais ses émissions de CO2 ont nettement diminué depuis la fin des années 1990 alors que celles de la Chine se sont envolées et pèsent maintenant deux fois plus que les Etats-Unis.

En outre, les Etats de New York, Californie et Washington ainsi que plusieurs villes, comme Pittsburg, ont annoncé en réaction à la décision de Donald Trump qu'ils formaient une "alliance pour le climat".

Enfin, l'administration Trump n'a aucun intérêt, même économique, a augmenter ses émissions de gaz à effet de serre alors que l'économie américaine investit aussi massivement dans les énergies renouvelables devenues incontournables.

La Chine entend poursuivre ses efforts pour diminuer ses émissions de CO2

La Chine est devenue, en quelques décennies, la première manufacture mondiale, ce qui explique la hausse quasi exponentielle de ses émissions de CO2. Le monde occidental, largement complice puisque premier client de la Chine, devrait donc soutenir ce pays dans sa transition énergétique.

Dans tous les cas, le Premier ministre chinois Li Keqiang a annoncé le 1er juin 2017 lors d'une conférence de presse à Berlin "que la Chine, un grand pays en développement, doit assumer ses responsabilités internationales afin de relever les défis du changement climatique avec les autres pays. Lutter contre le changement climatique est le fruit d'un consensus mondial", ajoutant qu'au prix ''d'énormes efforts, la Chine progressera pas à pas et avec détermination vers l'objectif de 2030", rapporte Le Quotidien du Peuple.

A la fois premier consommateur mondial de charbon, énergie la plus polluante, et premier investisseur dans les énergies renouvelables, la Chine souhaite réduire de 60 à 65% son "intensité carbone" (émissions de CO2 rapportées à la croissance) en 2030 par rapport à 2005. C'est plutôt une bonne nouvelle.

L'Accord de Paris sur le climat n'est pas contraignant

Pourquoi autant de pays ont-il signé l'Accord de Paris ? Parce qu'il n'engage à… Presque rien !

En effet, l'Accord de Paris n'est pas contraignant juridiquement et il n'est prévu aucune sanction pour les Etats qui ne souhaiteraient pas s'impliquer et/ou qui ne parviendraient pas à atteindre leurs objectifs. Ce qui signifie que les pays peuvent se donner bonne conscience et communiquer sur leur signature sans faire, derrière, le moindre effort ! En outre, aucun engagement chiffré ne contraint, même moralement, les pays signataires.

Avouons que pour une problématique qui engage le devenir de nos sociétés, la mobilisation internationale reste, au final, bien légère.

L'Accord de Paris n'est pas à la hauteur de l'enjeu

Si l'objectif de 1,5°C est ambitieux, il est malheureusement irréalisable !

L'augmentation moyenne de la température mondiale est déjà de 1°C depuis 1880, ce qui signifie que nos sociétés devraient contenir le réchauffement à venir à 1°C voire 0,5°C dans l'option la plus optimiste... Or, les projections sur cette question estimaient déjà en 2011 que le seuil de 2°C était hors de portée.

En effet, les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser, même si le rythme s'est calmé ces dernières années : moins de 1 % ces trois dernières années selon le dernier bilan du Global Carbon Project.

Au final, l'effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre est maintenant un véritable défi : le niveau doit être réduit de 40 à 95 % d'ici à 2050, c'est à dire dans seulement 35 ans, alors que l'accord doit entrer en vigueur en 2020. Une réduction de 40% (ce qui est déjà considérable) équivaut à revenir à nos émissions de gaz à effet de serre des années 1980, alors que la population mondiale comptait 3 milliards de personnes de moins qu'actuellement. Un pari quasi impossible à tenir alors que la consommation de masse touche toujours plus de personnes.

Enfin, l'Accord de Paris ne prend pas en compte les émissions liées au trafic aérien qui ne cesse d'augmenter.

Et quand bien même, si l'Accord de Paris était honoré, il nous mènerait certainement vers une augmentation de + 3°C, ce qui n'est plus gérable par nos sociétés...

Cela fait plus de 20 ans que les accords sur le climat échouent

Cela fait près de 25 ans, avec le premier sommet de la Terre à Rio en 1992, que la communauté internationale se mobilise, chaque année, pour tenter de contrecarrer le réchauffement climatique en diminuant les émissions de gaz à effet de serre... En vain. Le Protocole de Kyoto reste un échec, alors que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 60 % depuis 1990 !
Souvenons-nous de la déclaration de Rajendra Pachauri, Président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) en 2009 : "Le monde développé n'a vraiment rien fait. Le Protocole de Kyoto est reconnu plutôt par sa violation que par l'adhésion aux limites qui ont été fixées."

Aujourd'hui, nous sommes dans l'après-Kyoto, et rien n'a vraiment changé. Les sommets sur le climat se suivent et se ressemblent : les dirigeants du monde s'applaudissent, les grands médias nous rassurent et continuent de prôner la croissance (économique et démographique) infinie dans un monde fini mais :

En fait, la situation est devenue tellement critique que dès 2013, les scientifiques estimaient que le réchauffement climatique pourrait atteindre 5°C. C'est comme si nous changions complètement le climat de notre planète à très grande vitesse, sans laisser la moindre chance à nos sociétés de s'y adapter.

Ce scénario "business as usual" est connu de longue date ; les scientifiques et la société civile s'égosillent et s'épuisent depuis des décennies pour que nos décideurs et le citoyen s'en emparent sérieusement... En vain, ou presque. Donner du crédit à des accords stériles et irresponsables, c'est se rendre complice de l'inaction et de ses conséquences.

Faut-il pour autant se féliciter du retrait américain ?

Non certainement pas ! Tout d'abord, c'est un signal politique négatif très fort pour le reste du monde : pourquoi faire des efforts pour le climat si la plus grande puissance mondiale ne veut pas en entendre parler ?

Ensuite, avec l'élection de Donald Trump, la politique américaine change de cap pour privilégier ses intérêts, son business, sans que l'environnement soit au coeur de ses réflexions.
Ce n'est évidemment pas responsable, mais combien de pays peuvent se vanter de faire beaucoup mieux ? Sûrement pas l'Europe ni la France qui saccage sa biodiversité comme jamais et se cache derrière la Chine pour justifier la baisse de ses émissions de CO2.

Reste au citoyen d'oeuvrer, chaque jour, pour construire un monde meilleur. Mais là aussi, il y a fort à faire !

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