CLIMAT - Les océans jouent un rôle déterminant dans la régulation du climat mondial. Sans l'océan, le contraste thermique entre les tropiques et les pôles serait de plusieurs centaines de degrés, rendant ainsi la planète invivable. C'est ce qu'ont souligné, mercredi 22 février à Rabat, des experts et scientifiques participant aux travaux de la session plénière solennelle 2017 de l'Académie Hassan II des sciences et techniques, organisée du 21 au 23 février.
Selon la coprésidente du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), Valérie Masson-Delmotte, les océans jouent un rôle crucial dans le fonctionnement du système climatique (bilan énergie, cycle du carbone, cycle de l’eau, mode de variabilité du climat) dans la mesure où l’intensité et la structure spéciale de la température de surface des océans affecte la circulation atmosphérique et les événements météorologiques.
Comprendre les océans pour évaluer les risques
Ainsi, les vents mettent en mouvement les eaux de surface qui constituent le moteur des phénomènes de remontée des eaux profondes, froides et riches en nutriment vers la surface, par exemple sur la côte atlantique marocaine, a-t-elle expliqué.
Après avoir présenté quelque indicateurs clés de l’état du climat et les nombreux impacts du réchauffement climatique et les causes de l’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 depuis 1950, la paléoclimatologue française a démontré, graphiques et cartes à l’appui, que l’évolution de la température de surface est le résultat du déséquilibre radiatif de la terre.
Valérie Masson-Delmotte a, de même, mis en évidence des réorganisations majeures de la circulation de l’Océan atlantique nord, en particulier lors des périodes glaciaires, associées à des instabilités abruptes du climat des régions voisines et ce grâce à l’étude des archives du climat, comme les sédiments marins.
D'après l’experte, l’influence humaine sur le climat est clairement établie. Les rejets de gaz à effet de serre affectent l’état physico-chimique des climats, d'où l'importance de comprendre le rôle des océans dans le système climatique pour évaluer les risques associés à l’évolution future du climat.
Les océans, ces grands absorbeurs de chaleur
Abondant dans le même sens, l'ancien directeur de la météorologie nationale, Abdallah Mokssit, actuel secrétaire général du GIEC, a donné un aperçu sur les processus de modélisation du rôle des océans et les risques de changement abrupts.
Pour ce membre correspondant de l'Académie Hassan II des sciences et techniques, les océans, qui représentent 70% de la planète bleue, créent la moitié de l’oxygène de la Terre et fournissent 20% des protéines animales consommées, ont un rôle de régulation du climat à l’échelle globale, en absorbant plus de 90% de la chaleur cumulée dans l’atmosphère et 25% du CO2 créé par l’homme.
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"Le changement climatique affectera les processus liés au cycle du carbone d’une manière qui accélérera l’accroissement du CO2 atmosphérique (degré de confiance élevé), de même que la poursuite de l’absorption de carbone par l’océan augmentera son acidification", a-t-il noté.
Même son de cloche pour la scientifique française Anny Cazenave, qui a affirmé que le niveau moyen global de la mer, principal réservoir de chaleur de système climatique, est l'un des meilleurs indicateurs du changement climatique actuel, mettant en exergue les contributions individuelles à la hausse du niveau de la mer.
La mer pourrait monter de deux mètres d'ici 2100
Passant en revue les quatre scénarios de réchauffement et les émissions de gaz à effet de serre associées, la spécialiste en géodésie et océanographie spatiale a fait observer que la hausse du niveau de la mer s'est accélérée au cours de la dernière décennie et continuera à monter pendant plusieurs siècles à cause de la grande inertie thermique de l'océan. Elle pourrait ainsi monter de deux mètres d'ici 2100.
Au Maroc, si l’amplitude des impacts du changement climatique diffère par rapport aux pôles antique et antarctique et aux pays insulaires, les 3.000 kilomètres de côtes rendent le pays vulnérable. Elles sont et seront en effet concernées en premier lieu par les conséquences du changement climatique, car l’océan atlantique et la mer Méditerranée constituent une source de revenus des populations et contribuent en grande partie à sa sécurité alimentaire, a alerté Abdallah Mokssit.
Les propriétés physico-chimiques des océans changent, ce qui a des conséquences sur les propriétés et la dynamique de l’océan, sur ses échanges avec l’atmosphère et sur les écosystèmes marins et leurs habitats, a fait savoir le secrétaire général du GIEC.
Organisée du 21 au 23 février, cette rencontre annuelle, qui réunit des experts internationaux, des chercheurs et des climatologues des quatre coins du monde, traite de plusieurs thématiques, notamment "la modélisation des interactions océan-climat", "les niveaux de mers et événements climatiques extrêmes", la "thermodynamique et chimie des océans et impacts sur les ressources".